Krakadak, pause sucrée-salée

23 avril 2023

Ainhoa, une ville qui a une seule rue, la rue Karrika Nagusia. Je la remonte sur quelques dizaines de mètres et arrive devant la boutique Krakadak. Sur le seuil de la porte j’aperçois une jeune femme brune aux traits typiquement basques. C’est Anaïs Marichular, la maîtresse des lieux qui me reçoit avec un sourire solaire et accueillant. Nous nous installons en terrasse ombragée. C’est un moment privilégié d’être au cœur du village classé le plus beau village de France, en compagnie de la fille d’une des figures emblématiques de la région. Et toute simplicité Anaïs me raconte son histoire, celle de sa famille et de la boutique dont l’ouverture a eu lieu l’été dernier.

Le rêve américain 

Les parents d’Anaïs, Frédérique et Bixente Marichular, travaillent d’abord à Paris, puis à Singapoure. Enfin, ils partent pour une grande aventure de l’autre côté de l’Atlantique et s’installent à New York City. Bixente, le chef-pâtissier, met en oeuvre son savoir-faire à la française à l’Hôtel Maxim’s de Paris, sur la 5e Avenue à Mahattan. L’ambition, la création et la soif d’innover le pousse à ouvrir, avec d’autres français expartiés, leur propre établissement : restaurant-pâtisserie-traiteur. La pâtisserie, installée à Manhattan, porte le non Park Avenue of Gourmandises. Avec le temps la famille s’agrandit. Anaïs est née, à New York. Elle fait ses études à San Francisco où elle obtient le diplôme de la California State University. Cette jeune femme qui a plus de 10 ans d’expérience internationale à son actif, en particulier aux États-Unis et au Mexique, maîtrise plusieurs langues. Lors de ses voyages sur le continent américain elle rencontre des Basques qui partagent, comme elle, l’attachement à la culture et la tradition d’Euskal Herria.

On mangeait des gâteaux basques du « nouveau monde ». Elle les appelait comme ça car une des ses amies faisait des gâteaux basques avec une garniture bien généreuse, aux cerises entières et à la crème pâtissière, plutôt riche en matière grasse. C’était une garniture à l’image des Américains : « too much ».

Retour aux racines, Musée du Gâteau Basque

Après une brillante aventure professionnelle à l’étranger et la première naissance, la famille décide de retrouver son berceau basque, à Sare. Ils s’installent dans une bâtisse historique de 1660. Sur la même propriété ils créent un laboratoire de pâtisserie et embauchent une quinzaine de salariés. Les établissements étoilés apprécient le travail remarquable et le carnet de commandes se remplit à grande vitesse. Les commandes viennent des restaurants étoilés d’Espagne, de restaurant Miramar et d’un client habitué, Martin Berastegui. La création de desserts de mariage, inventifs et grandioses, a également connu un succès fulgurant. La famille ouvre ensuite le Musée du Gâteau Basque, une entreprise à la popularité instantanée. Son atelier-pratique permet aux visiteurs de participer à l’élaboration de la pâtisserie incontournable du Pays basque.

Le Musée est l’œuvre de ma mère. Elle est passionnée par l’architecture basque et l’a construit de toute pièce avec les artisans locaux : menuisiers, tailleurs de pierre, charpentiers… Elle l’a aussi repli d’objets anciens et de meubles de la famille. C’est elle qui a créé ce concept. Je tiens à lui rendre hommage car c’est vraiment une visionnaire.

Le principe d’accueillir des gens « chez nous » et la personnalité avenante de mon père ont vite séduit les visiteurs. On pétrit, on mélange, on étale, on met au four et on déguste. Le tout, dans la convivialité et dans la bonne humeur dont mon père ne manque pas.

Le rêve basque : Krakadak

Étant donné que le Musée propose des mets sucrés, on a eu l’idée d’ouvrir un lieu où l’on pourrait servir du salé. En 2022, le Krakadak, qui signifie « les goûters », voit le jour. On a installé la boutique au rez-de-chaussée de cette ancienne maison à la façade typique de la région. L’ouverture a eu lieu en pleine saison, au mois de juillet ! Ce n’était pas évident de se lancer en milieu de l’été mais ça faisait partie de défis que j’adore relever ! Il y en avait un autre l’année dernière : Marion et Anthony ont participé à une grande réouverture de l’établissement phare de Biriatou, l’Auberge Hiribarren.

En cuisine j’ai une cheffe inventive et dynamique qui est une véritable ambassadrice des produits locaux. Anthony, le spécialiste des cocktails a trouvé sa place au bar. Moi-même, je suis en contact avec nos clients, de plus en plus nombreux et fidèles à notre cuisine. Le sens de la communication, je dois l’avoir hérité de mon père. Il le met tous les jours à l’épreuve dans son atelier-pratique du Musée.

 

Le concept de Krakadak est simple, ici on propose aux clients les plats que la famille d’Anaïs apprécie. Les produits sont locaux et de proximité, ça va de soi. Sur l’ardoise les propositions varient chaque semaine au gré des arrivages et des envies de Marion. Elle est inspirée par le marché luzien où elle s’approvisionne en produits de saison, toutes les semaines.

Produits locaux, de la proximité et du terroir

On veut connaître nos producteurs avant de consommer leurs produits et installer une collaboration à long terme. Par exemple, notre café vient de Bayonne. Le torréfacteur connaît très bien son fournisseur d’Amérique latine. Il se rend plusieurs fois dans l’année sur ses exploitations pour le rencontrer. Ça nous rassure de collaborer avec des personnes qui, comme nous, sont attentives à la provenance des matières premières et de leur qualité. Pour donner un autre exemple, toutes les boissons que nous proposons sont de la région. Sauf l’eau gazeuse qui vient des Pyrénées catalanes.

Cette phrase me fait sourire. Pour Anais, garante des produits locaux, les Pyrénées catalanes paraissent loin alors que le produit reste, à mon sens « presque » local. Mais je préfère me taire, c’est elle qui connaît mieux ses valeurs et son attachement à la proximité. 

L’eau plate que nous servons à nos clients est tout simplement Ogeu, eau locale. Chez moi chaque produit a son histoire. Par exemple, la limonade d’Akerbeltz est produite par Frantxoa, originaire de la Soule et implanté avec sa production à Ascain. D’ailleurs, pour la petite histoire, pour produire sa bière il utilise l’eau de la Rhune. La preuve que je ne suis pas la seule à utiliser des ressources de proximité. Sans oublier le vin de Navarre qui vient de l’autre côté de la montagne – elle tourne la tête et me la montre avec le doigt – celle qu’on peut voir depuis la terrasse de la boutique.

Entre moi, qui apprend des choses fascinantes sur les productions locales, et Anaïs, qui est fière d’en faire partie, on échange quelques sourires complices. Les producteurs et les fournisseurs de Krakadak forment une grande famille. Comme celui de Cambo qui les approvisionne en chocolat et qui est devenu un véritable ami. Sa poudre de cacao se retrouve, entre autres, dans les sablés qu’on peut acheter dans la boutique.

En sucré, toutes nos confections sont faites par Jéremie et Jean-Louis, nos pâtissiers : le gros cookie au chocolat Puyodebat et bien sûr le gâteau basque, recette amélioré par mon père. La recette on l’a hétirée de notre grand-père et arrière grand-père qui vivaient à Anglet et Hendaye.

On propose aussi le sorbet qui vient de chez Miren, ma grande-soeur et mon amie d’enfance. C’est une fée du verger de Baïgorry qui produit des sorbets bio sans additifs et sans colorant. Chaque année elle sort de nouveaux parfums, sous le nom de Milika ! En salé, nous faisons nous-mêmes un pain brioché, c’est ma fierté. C’est la même recette qu’on faisait à New York, elle plaisait beaucoup aux Américains. Nos buns sont faits au levain de bière, fait maison bien évidemment. Après tout on était boulangers et pâtissiers ! Ce que l’on propose semble simple mais il y a un vrai travail de fond pour obtenir de la qualité, du généreux…Un des plats qui plaisent le plus est la Kaxuela d’Amatxi qui signifie le « plat en terre cuite ». 

La qualité des produits et le prix proposé ne donnent qu’une envie : de s’asseoir en terrasse et déguster les créations de la maison. De plus, l’accueil chaleureux et généreux de ceux qui y travaillent, fait qu’on s’y sent bien. Comme à la maison. 

Plein de bonnes choses pour la suite, pour Anaïs et son équipe ! 


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